Les origines

" Le tango ou la volonté d’être "
Archibaldo Lanus

Les origines du tango s’enracinent dans la société et la culture de l’Argentine

On danse et on écoute des habaneras cubaines, des milongas criollas de la campagne argentine, des danses italiennes, des milongones et candombe uruguayens où l’on retrouve des influences africaines. On regarde danser le tango andalou, le paso doble, la muniera galicienne, la scottish écossaisse, la valse venue d’Autriche.

Tout se mélange et se danse dans les " bailongos "’ des périphéries urbaines.

Dans les couches privilégiées de la société de formation plus européenne on danse plus ‘’finement’’ le rigodon, le lancier, la gavotte, le quadrille, la mazurka de Bohème et aussi une danse, devenue traditionnelle en Argentine, la zamba et le cuando, et encore la valse et le danzon cubain.

On dénonce l’essor de la milonga et de la habanera en tant que danses artistiques avant que le tango-tango soit dansé. Mais on trouve déjà sous une forme élémentaire cette idée d’un couple enlacé, qui marche et on trouve déjà le " corte ".

Très vite les musiciens se libèrent des rythmes et des mélodies des cultures afro-cubaine et espagnole en particulier. L ’inspiration des " tanguistas " s’est orientée vers une nouvelle esthétique : il n’y a plus tambour ni tambourin dans le tango. Le tango conservera le nom populaire de tango mais on lui adjoindra l’épithète de criollo, pour signifier sa personnalité totalement " criolla ". La musique de la pampa argentine et la poésie ‘’gauchesca’’ résonnent dans le tango par les aspects mélodiques et harmoniques.

Les liens commerciaux entre l’Argentine et l’Europe étaient étroits, les danses à la mode et la musique traversaient aussi l’océan.

La valse fut la première danse européenne nouvelle à atteindre l’Argentine au XIX ème siècle, à l’époque de l’indépendance en 1816 : elle fut suivie, au milieu du siècle par la polka, la mazurka et la scottish.

En même temps se répandit la habanera, musique dansée sur un rythme cubano-espagnol. La habanera née à La Havane se transporta en Espagne et en Argentine. La habanera et la polka semblent avoir joué un rôle important dans l’émergence de la milonga, très populaire dans les années 1870 chez les ‘’compadritos’’ de Buenos Aires, et qualifiée de habanera du pauvre.

La milonga était à l’origine une chanson improvisée, accompagnée à la guitare par les " payadores ". Une fois en ville la milonga vit son tempo se modifier et se dansa sur des pas qui lui étaient propres : certainement elle fut influencée par les nouvelles danses venues d’Europe et des Caraïbes.

L’importance de la milonga et celle de la habanera sont réelles dans l’ascendance immédiate du tango. Nous manquons de descriptions précises sur ce qui se passait dans les " arrabales " de Buenos Aires, autour des années 1870-1880.

 " Danser le tango est une démarche hypnotique,
Où l’un devient l’autre, l’espace d’un instant
Où enfin l’on danse, comme spirituellement,
Au moment du départ, sur le mouchoir de l’adieu "

Horacio Ferrer- Paul Garello

"

La musique de tango commence par 4 œuvres, piliers de son histoire : El talar (1895) El Enterranio (1897) Don Juan (1898 et El Sergent Cabral (1899) Ce sont les tangos criollos pour piano.

Mais sont composés à la même période des tangos qui sont, encore de nos jours, orchestrés par des musiciens contemporains : Las siete palabras (1898), El esquinazo ( 1902), El choclo (1903)et El portenito ( 1903) D’Angel Villodo, ou encore Union Civica (1904).

A peine naît-il qu’il est déjà, à cent pour cent, le vrai tango. Il est proprement du Rio de la Plata .

Le terme tango lui-même prête à confusion. D’où vient-il exactement ?

" Voilà comment se danse le tango !
Sens le sang qui te monte à la tête
A chaque battement,
Tandis qu’un bras s’enroule comme un serpent
Autour d’une taille pliée à se rompre.
Voilà comment se danse le tango ! "

Asi se baila el tango , Elizardo Martinez Vilas 1942

Il se peut que le mot soit d’origine africaine : dans certaines langues africaines ‘’tango’’ signifie lieu fermé ou sol réservé. Le mot pourrait être d’origine portugaise et donc du latin tangere, toucher. Le mot aurait été utilisé sur l’île de Sao Tome dans le golfe de Guinée, important centre de traite des esclaves et alors le mot aurait été emprunté par les esclaves aux blancs.

Pour certains enfin le mot serait une onomatopée décrivant le son des percussions ‘’tam-bo, tam-bo’’. Quoiqu’il en soit le mot tango a atteint l’hémisphère sud sur les bateaux et sur les lèvres des esclaves.

Dans de nombreuses régions hispano-américaines le mot tango, quelque soit son origine, désignait un lieu où les esclaves africains ou les noirs libres se réunissaient pour danser. Plus tardivement en Argentine le mot s’est appliqué aux danses des Noirs.

C’est sous ce sens de danse que le mot est reparti en Europe notamment en Espagne pour désigner les danses venues de l’autre coté de l’Atlantique sud. La habanera était parfois appelée " tango americano " : on baptisa une variante espagnole de la habanera, " tango andalou ". Cette musique chantée fut popularisée en Argentine dans la seconde moitié du XIX siècle par les troupes espagnoles se produisant à Buenos Aires.

Le mot tango, lieu où les noirs dansaient joua un rôle authentique dans la naissance spontanée du tango argentin en tant que tel. En effet, la plus part des afro-argentins préservaient leur originalité culturelle grâce à des organisations communautaires, en se regroupant pour la fête et la danse ( candombe ). Le candombe était dansé sur des rythmes africains avec des pas improvisés et des mouvements énergiques débridés.

Après 1850 les jeunes noirs abandonnèrent plus ou moins le candombé au profit des danses européennes pour faciliter leur intégration sociale. Les bals africains étaient fréquentés par des " compadritos " : ces derniers allaient aussi danser dans des lieux mal famés, mêlant ainsi les figures les plus caractéristiques des danses des noirs à celles de la milonga : se fabriquait petit à petit ainsi, une nouvelle danse.

Au départ, ce qui allait devenir le tango n’est qu’une nouvelle façon de danser la milonga dans les quartiers du port. La milonga était si répandue qu’elle figure obligatoirement dans toutes les fêtes des classes populaires, des soldats aux veillées des cochers, des " ’compadritos "’ et dans les clubs de mauvaise réputation.

Et toujours dans un environnement de faubourgs parfois troubles, lieux que la bourgeoisie de Buenos Aires ne pouvait pas fréquenter. De plus cette nouvelle façon de danser était un peu trop " ’lascive ". On faisait des quebradas, contorsions agitées aussi spectaculaires que possible et le corte, rupture de figures, prélude à un quebrada.

Et surtout les partenaires dansaient " ’ensemble "

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